Vers une limitation de la liberté contractuelle de la SAS ?

La question se pose seulement dans la SAS, seule forme juridique pour laquelle la liberté statutaire est large (sauf rares exceptions) concernant les règles d’adoption des décisions collectives.

Dans l’espèce soumise à l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, les statuts d’une SAS prévoyaient (maladroitement ?) que « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ».

Des associés avaient contesté en justice des délibérations adoptées à 46% des voix. La Cour d’appel de Paris avait refusé d’annuler ces délibérations, estimant qu’elles avaient été adoptées conformément aux règles statutaires de la société.

La Cour de cassation a donné une première fois tort aux juges du fond au motif que « les résolutions d’une SAS ne peuvent être adoptées par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés » et avait renvoyé cette affaire devant une nouvelle chambre de la Cour d’appel de Paris (Cass. com., 19 janv. 2022, n° 19-12.696). Faisant résistance à la Cour de cassation, les juges du fond avaient une seconde fois refusé d’annuler cette délibération (CA Paris, 4 avr. 2023, n° 22/05320).

L’Assemblée plénière de la Cour de Cassation vient finalement de donner raison à sa Chambre commerciale en jugeant qu’une « décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix ». Elle estime que retenir une règle contraire reviendrait à considérer que « la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires » (Cass. ass. plén., 15 nov. 2024, n° 23-16.670, B+R).

Dès lors, la liberté contractuelle qui régit la SAS ne peut donc s’exercer que dans le respect de la règle selon laquelle la décision collective d’associés prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause statutaire contraire étant réputée non écrite.

Cette décision majeure concerne toutes les SAS, qui, rappelons-le, sont devenues en 2024 la première forme de société en France, devant les SARL.

Voir l’arrêt ici