Ebay est éditeur de services
Madame F. a proposé à la vente et vendu des sacs Hermès sur le site Internet proposé par la société Ebay. Après une saisie-contrefaçon au domicile de Madame F., il s’est avéré que lesdits sacs Hermès étaient en réalité des contrefaçons. La société Hermès a donc saisi le Tribunal de grande instance de Troyes et a fait condamné Madame F. et la société Ebay pour les actes de contrefaçon ainsi constatés.
Ebay a interjeté appel de cette décision se prévalant de sa qualité d’hébergeur et réclamant l’application à son bénéfice du régime de responsabilité limitée instauré par la directive n° 2000/31/CE du Parlement et du Conseil du 8 juin 2000 (dite directive e-commerce) et de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique transposant la directive e-commerce.
En effet, l’article 6-l-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour la mise à disposition du public par des services de communication en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
S’agissant d’un régime de responsabilité dérogatoire du droit commun, la Cour d’appel de Reims en a justement fait une interprétation restrictive et a apprécié « in concreto » le rôle de la société Ebay, comme y invite d’ailleurs l’arrêt très commenté de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 23 mars dernier .
La Cour d’appel de Reims a ainsi confirmé les termes du jugement attaqué au motif que, dans l’affaire portée à sa connaissance, Ebay proposait aux utilisateurs de son site des services complémentaires qui lui donnait un rôle actif dans l’initiation, les conclusions et le suivi des transactions.
C’est le service « suggestion d’achat » qui a pour objet d’inciter les acheteurs à acquérir des produits similaires à ceux qu’ils ont acheté précédemment qui est ici pointé du doigt. En effet, la Cour a estimé que, par l’intermédiaire de ce service, la société Ebay exerçait une action déterminante sur le contenu des annonces en ce qu’elle reprenait, de sa seule initiative, les informations pour attirer les acheteurs. En cela, la Cour a considéré que la société Ebay utilisait le nom et la notoriété d’Hermès, à son profit.
Dès lors, la Cour a très justement retenu qu’il « résulte des développements qui précèdent que la société eBay International AG a fait usage du nom et des marques déposées par la société Hermès International pour permettre à Mme F. de mettre en vente dans le commerce des sacs à main contrefaisants ; que cette société est intervenue de manière active dans les annonces et les informations données par Mme F. sur les sacs à main qu’elle vendait afin que ceux-ci soient présentés de manière attractive et que les acheteurs potentiels soient orientés vers d’autres offres utilisant également le nom et les marques Hermès ; que le tribunal en ajustement conclu que la société eBay International AG assumait non seulement un rôle d’hébergeur, mais également d’éditeur de services » et confirmé le jugement qui a retenu que la société Ebay avait engagé sa responsabilité à l’égard de la société Hermès pour « ne pas avoir satisfait pleinement à son obligation de veiller à l’absence d’utilisation répréhensible du site ebay.fr au sens de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle ».
Cet arrêt contribue à affiner l’analyse jurisprudentielle du régime de responsabilité limitée accordé aux hébergeurs de sites Internet. La tendance récente des dernières décisions de justice est à l’application restrictive de ce régime.
1 - Cour de justice de l’Union Européenne Grande chambre, Arrêt du 23 mars 2010, Google France / LVM, Viaticum, Luteciel, CNRRH et autres.