Des modalités de l’obligation de délivrance du cédant de valeurs mobilières - A propos de Cass. Com., 24 mai 2011 n°10-12163
Par arrêt rendu le 24 mai 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation statue dans une affaire relative aux modalités de délivrance de valeurs mobilières cédées, et en l’espèce d’actions non-cotées.
Dans cette affaire, l’actionnaire d’une société avait promis de céder au bénéficiaire de la promesse l’intégralité des actions qu’il détenait dans le capital social d’une société anonyme. Cette promesse prévoyait diverses conditions suspensives qui ont été levées. Il était convenu à l’acte qu’en suite de la réalisation des conditions, le promettant signerait les ordres de mouvement titre et que le bénéficiaire, devenu acquéreur, paierait le prix. Il était par ailleurs convenu que le transfert de propriété s’opérerait le jour de la signature des ordres. La signature des ordres et la remise des fonds ont été différés d’un commun accord entre les parties, pour des motifs inconnus. La société a été placée en liquidation judiciaire avant que les ordres ne soient signés et le prix payé. Les ordres n’ont donc jamais été signés ni le prix payé.
Le cessionnaire a sollicité l’annulation de la vente, estimant que la vente formée était viciée. Le cédant a, quant lui, demandé reconventionnellement l’indemnisation du préjudice qu’il estimait résulter de la privation du prix convenu.
La Cour d’appel (Angers) a accueilli la demande du cédant et a condamné le cessionnaire à lui verser des dommages et intérêts équivalent au prix de cession estimant qu’il avait engagé sa responsabilité dans l’absence de réalisation de l’opération.
Cet arrêt est cassé au visa des articles 1603, 1604, 1067 et 1610 du Code civil relatif à l’obligation de délivrance du vendeur ainsi que de l’article L. 228-1 du Code de commerce, relatif aux modalités de transfert de propriété des valeurs mobilières. La Cour rappelle que « l’obligation de délivrer les actions cédées s’exécute par la signature des ordres de mouvement et que cette formalité incombe au seul cédant ».
Cette affaire rappelle les principes du droit commun appliqués au droit des sociétés et notamment au régime des valeurs mobilières. En droit commun, l’obligation de délivrance incombe au vendeur. Cette obligation est à distinguer du transfert de propriété qui s’opère par le seul échange des consentements des parties. En droit des sociétés et notamment en matière de valeurs mobilières, la solution est différente. La vente est certes formée par l’échange des consentements, mais l’article L. 228-1 du Code de commerce précise que, pour les titres non-cotés, « le transfert de propriété résulte de l'inscription des valeurs mobilières au compte de l'acheteur, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ». L’article R. 228-10 du même Code prévoit que « l'inscription au compte de l'acheteur est faite à la date fixée par l'accord des parties et notifiée à la société émettrice ». Cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’en matière de valeurs mobilières la délivrance et le transfert de propriété s’opère par une opération matérielle – la notification à la société émettrice pour les titres non-cotés – et donc en même temps.
Ainsi, en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait indemniser une privation de prix puisque le transfert de propriété n’avait pas eu lieu et que le cédant n’avait pas fait diligence pour exécuter l’obligation de délivrance qui lui incombait en établissant des ordres de mouvement de titre. A supposer que la cession des valeurs mobilières soit parfaite, le cédant n’avait en réalité, ni transféré la propriété, ni délivré les valeurs mobilières, obligations qui n’incombaient qu’à lui seul.
Cette solution peut être rapprochée de la position déjà retenue par la même Chambre commerciale dans un arrêt du 7 avril 2009 (n°08-15593) en matière de parts sociales. Elle avait déjà estimé que le cédant avait manqué à son obligation de délivrance des parts sociales cédées en ne remettant pas au cessionnaire les documents signés constatant la cession et permettant à ce dernier d’effectuer les formalités prescrites pour rendre cette cession effective.