Droit des sociétés - Le délai de rachat des parts sociales en cas de refus d’agrément du cessionnaire est de rigueur
Cass. com, 2 novembre 2011 n°10-15887
Dans cette affaire, l’associé d’une SARL avait notifié à ses associés sa volonté de céder ses parts sociales à un tiers. Ce denier s’est vu refusé l’agrément des autres associés qui, dans la perspective du rachat de ces parts et en application des dispositions de l’article L. 223-14 alinéa 3, ont désigné un expert afin d’évaluer les parts du cédant. Ils avaient également sollicité en justice que soit prolongé le délai légal de trois mois pour procéder au rachat de ces parts, comme le permet le texte. Les associés disposaient ainsi d’un délai de six mois pour racheter ou faire racheter les parts ou encore pour réduire le capital de la valeur nominale de ces parts.
Le rapport de l’expert a été remis dans le délai d’acquisition mais les associés n’ont pas manifesté leur volonté de mettre en œuvre l’une quelconque des hypothèses prévues par les alinéas 3 et 4 de l’article L. 223-14 du Code de commerce. Sur sa demande, le cédant a obtenu en justice l’autorisation de procéder à la cession initialement convenue. Cette décision est confirmée par la Cour de cassation.
En cas de refus d’agrément, la désignation d’un expert afin d’évaluer les parts conformément aux dispositions des articles L. 223-14 du Code de commerce et 1843-4 du Code civil, ne caractérise pas la volonté des associés de procéder au rachat des parts sociales. Dès lors que le rapport de l’expert est rendu, il convient que les associés manifestent expressément leur volonté d’acquérir les parts ou décident de la réduction de capital.
L’attendu principal de cet arrêt reprend quasi littéralement les dispositions de l’alinéa 5 de l’article L. 223-14 du Code de commerce, lequel énonce que « si, à l’expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession initialement prévue ». La solution retenue par la Chambre commerciale est donc parfaitement conforme à la lettre de cet article.
Par prudence, même en cas d’accord sur le principe du rachat des parts (ou sur la réduction de capital) il appartient aux associés qui souhaitent empêcher l’entrée d’un tiers de prendre toutes mesures à cette fin. Non seulement, ils devront s’attacher au dépôt rapide du rapport de l’expert commis mais devront manifester leur volonté expressément dans ce délai. En cas de difficulté empêchant le dépôt du rapport avant l’expiration du rapport, il conviendra pour les associés soit d’exprimer clairement leur volonté d’acquérir les parts, soit de voter une réduction de capital et ce avant l’expiration du délai légal. La difficulté réside dans ce cas sur l’impossibilité d’en connaître le prix. L’hypothèse ne devrait toutefois qu’être exceptionnelle compte tenu du délai potentiellement long de six dont l’expert peut disposer pour évaluer ses titres.
Quoiqu’il en soit, cette solution vient prolonger la tendance déjà exprimée par la Cour de cassation dans un arrêt très commenté du 4 juillet 2006, dans lequel la même Chambre commerciale avait jugé dilatoire la désignation d’un expert à quelques jours de l’expiration du délai d’acquisition. La décision commentée va plus loin : le délai d’option des associés s’impose de sorte que la désignation d’un expert n’est plus, en l’état de cette décision, une arme dilatoire à l’encontre du candidat cédant.