Droit des sociétés - Cession de droits sociaux non négociables dépendant de la communauté entre époux - Exigence du consentement du conjoint commun en biens
Cass, 1ère civ, 09/11/2011, n° 10-12123
La première Chambre civile de la Cour de cassation fait une application stricte de l’article 1424 du Code civil : Un époux peut ne céder sans l’accord de l’autre, des droits sociaux non négociables dépendant de la communauté même en l’absence de revendication de la qualité d’associé par l’époux n’ayant pas souscrit au capital de la société.
En l’espèce, une épouse, mariée sous le régime légale de la communauté réduite aux acquêts, a souscrit au capital d’une SCI au moyen de fonds dépendant de cette communauté. A aucun moment son conjoint n’a revendiqué la qualité d’associé, tel que cela lui était permis par les dispositions de l’article 1832-2 alinéa 3 du Code civil. Elle a par la suite cédé ses parts sociales à son associé sans que son époux ne consente à cette cession. Par la suite, les deux époux ont demandé l’annulation de cette cession sur le fondement de l’article 1424 du Code civil.
Cette demande a été initialement rejetée par la Cour d’appel d’Orléans au motif que l’époux n’ayant jamais revendiqué la qualité d’associé, les parts sociales étant des titres sociaux négociables, l’épouse pouvait les céder sans le consentement de son mari. Elle a également estimé que seule la valeur des parts sociales était entrée dans la communauté des époux et non pas les parts sociales elles-mêmes.
La Première chambre civile de la Cour de cassation casse cet arrêt au visa de l’article 1424 du Code civil dont l’alinéa 1er dispose que : « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations. »
La Cour rappelle dans un premier temps que les parts sociales d’une SCI ne sont pas des droits sociaux négociables et qu’en conséquence, leur aliénation est soumise au double consentement de l’article 1424 du Code civil. La cour d’appel s’était manifestement méprise sur la nature juridique des parts sociales, car la solution n’a rien de nouveau de sorte que la cassation était assurée.
Dans un second temps, la Cour de cassation ajoute, alors que la précision n’était pas indispensable à la censure de l’arrêt d’appel, que l’absence de revendication par l’époux non cédant de la qualité d’associé, ne rend pas caduque l’exigence de son consentement tel que requis par l’article 1424 du Code civil. La qualité ou non d’associé de l’époux non cédant est indifférente à l’application de ce texte. Cette solution n’est pas davantage surprenante. Une décision contraire aurait conduit à ajouter à cet article une condition qu’il ne prévoit pas.
Plus encore, cela aurait conduit à faire dépendre l’application de ce texte d’une décision de l’époux non souscripteur. Or, les textes régissant les régimes matrimoniaux sont d’ordre public.
Dans la pratique, nous considérons qu’il est préférable de faire intervenir le conjoint non-associé aux actes de cession de titres non négociables et de libération des fonds provenant de la cession, alors même qu'un accord verbal serait exprimé.
A l’occasion de la constitution de sociétés commerciales, la règle issue du Code civil peut conduire à recommander la constitution de sociétés par actions afin d’éviter, par anticipation, l’intervention du conjoint commun en biens lors des opérations ultérieure de gestion ou de transmission du capital social.